Kant: AA XII, Briefwechsel 1796 , Seite 112

     
           
 

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  01 aux opinions religieuses, pour unir fraternellement les hommes entr'eux      
  02 et les faire concourir de toute part à leur bonheur mutuel.      
         
           
         
  03 Concevrez-vous jamais deux mobiles politiques plus sûrs et      
  04 la fois plus simples, que d'encourager au bien par l'appât d'une      
  05 rçcompense infiniment au-dessus des jouissances passageres de ce      
  06 monde, et de retenir la pente au mal, par la crainte d'un châtiment      
  07 çternel et en outre d'une rigueur proportionnçe au dçlit?      
         
           
         
  08 Car vous ne sauriez vous dissimuler que par l'effet de sa      
  09 propre constitution, ou, ce qui est le mème, par l'effet à jamais      
  10 inamovible d'une cause physique, l'homme naît avec mille passions,      
  11 qui, quoique plus ou moins vives dans un individu que dans l'autre,      
  12 n'en travaillent pas moins sourdement de toute part à fonder      
  13 l'Egoïsme, à isoler par-là des intçrèts de la sociçtç les intçrèts de      
  14 l'individu, et à faire ainsi contracter à celui-ci ces diverses habitudes      
  15 si diamçtralement opposçes au bonheur d'autrui, que l'on nomme vices.      
         
           
         
  16 D'ailleurs la Question qu'on a si souvent agitçe: Si une societ      
  17 d'Athçes pourroit long-tems subsister? cette question, dis-je,      
  18 se trouve rçsolue par le fait; puisque l'histoire universelle ne nous      
  19 fournit l'exemple d'aucune sociçtç organisçe, qui ait pu se soutenir      
  20 sans avoir l'idçe de quelque Puissance invisible, à qui elle donnât      
  21 des marques de soumission et de respect: et dans quelque genre que      
  22 ce soit, tout ce qui, sur de pures hypotheses, osera condamner l'expçrience      
  23 de tous les âges, ne sera jamais qu'un système trompeur. *)      
         
           
           
    *) Les idçes de l'honnète, dçtachçes du rapport qu'elles ont avec la volontç d'un Legislateur suprème, Auteur de notre existence, Protecteur du Genre humain et de la sociçtç, sont de belles chimeres, on tout ou moins des principes stçriles, de pures spçculations, incapables de fournir les fondemens d'une bonne Morale et d'une vertu solide. "On prçtend, dit le docteur Harris, dans ses Extraits des Sermons de la fondation de Boyle (a), qu'il n'est pas impossible qu'un Athçe ne vive moralement bien. Mais il est visible que ses principes le menent à satisfaire ses inclinations vicieuses, lorsqu'il n'y a aucun danger à le faire. je concois que l'amour-propre suffira pour l'arrèter dans les occasions où il s'exposeroit à perdre la vie, ou dans lesquelles il ne pourroit se livrer à ses penchans sans se ruiner de rçputation. Mais se retiendra-t-il quand il n'a rien craindre de ce côtç-là? il est visible que suivant ses principes, il tirera le meilleur parti qu'il pourra de la vie. tout le mal qu'il pourra faire secrçtement, quand il lui en reviendra un grand avantage, lui paroîtra tout-à-fait convenable. (a) Tom. II. pag. 5. [Seitenumbruch] s'imaginer qu'il puisse ètre capable de sentiment de probitç, de droiture et de bonne foi, c'est vouloir en ètre la dupe. l'intçrèt est sa grande regle et son unique mobile. il n'y a point d'obliquitçs qui lui coûtent, pour peu qu'elles lui soient avantageuses. "Le plus grand effort de vertu qu'on puisse attendre d'un homme semblable, ce sera de remplir les devoirs de la justice, à son corps dçfendant, et tant qu'il n'osera point faire de friponnerie. à cela prês, le principe d'honneur dont il se pare si fort, sera la chose du monde la plus variable, ou plutôt ce ne sera jamais qu'un vain nom, dont il amuse les gens pour gagner leur confiance, et pour les tromper avec plus de succês." De pareils Systêmes sont fort beaux dans la spçculation; mais je ne saurois trop insister sur ce que, de la maniere dont les hommes sont faits, il est absurde d'attendre d'eux qu'ils reglent leur conduite sur des maximes qui, sous ce point de vûe, ne leur sont nullement analogues. il leur faut promettre un dçdommagement rçel, si l'on veut qu'ils persistent à s'attacher à la Vertu, lorsqu'elle se voit malheureuse. On sait ce que Brutus, qui çtoit de la Secte des Stoïciens, dit en mourant, pour dçsavouer ses principes: Malheureuse Vertu, que j'ai etç trompç à ton service! j'ai cru que tu çtois un Etre rçel, et je me suis attachç à toi sur ce pied-là; mais tu n'çtois qu'un vain nom et un fantôme.      
           
     

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