Kant: AA XII, Briefwechsel 1796 , Seite 118 |
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01 | 4 S. que le grand vice de la logique de la plûpart des philantropes | ||||||
02 | est de considçrer gratuitement dans leurs raisonnemens à perte de | ||||||
03 | vue l'homme tel qu'il devroit ètre, et non tel qu'il est par le fait, | ||||||
04 | c'est-à-dire, tel qu'il est actuellement, tel qu'il a çtç dans les tems | ||||||
05 | qui nous ont prçcçdçs, et, par une induction incontestable, tel qu'il | ||||||
06 | sera toujours. | ||||||
07 | Votre paradoxe, Monsieur, ne peut donc ètre d'aucun danger | ||||||
08 | pour ces Gens d'une saine logique, qui n'admettant rien sans l'avoir | ||||||
09 | examinç mûrement, prendront probablement la peine de le mçditer. | ||||||
10 | mais frçmissez, oui frçmissez de son effet sur tant d'Esprits faux, | ||||||
11 | sur tant de tètes superficielles, sur tant de gens mème qui n'ont ni | ||||||
12 | le tems ni le plus souvent la facultç de raisonner, et dont le nombre | ||||||
13 | est effrayant. Sur votre rçputation d'infaillibilitç dans les matieres | ||||||
14 | abstraites, ou plutôt, par le prestige du renouvellement de ce Cri | ||||||
15 | d'extase " Magister dixit ", tout ce monde vous croyant sur parole, | ||||||
16 | adopte sans examen vos vçritçs comme vos erreurs. Et en effet, | ||||||
17 | comme un nouvel Aristote, dçja vous dirigez l'opinion; mais si vous avez | ||||||
18 | en ce moment autant de prosçlytes, c'est moins, j'ose vous le dire, | ||||||
19 | par la force et l'empire de la persuasion (puisque três-peu sont en | ||||||
20 | çtat de vous comprendre), que par l'abus qu'on s'empresse de faire | ||||||
21 | de votre Doctrine, pour autoriser un relâchement de moeurs que | ||||||
22 | quelques-unes de vos Maximes favorisent "sans que vous paroissiez | ||||||
23 | vous en douter. | ||||||
24 | Dçja des jouvenceaux à peine sortis de la coque, des imberbes | ||||||
25 | quittant tout fraîchement les bancs de leurs Colleges ou Universitçs, | ||||||
26 | des demi-Erudits de toute espece, des Instituteurs mème tant publics | ||||||
27 | que privçs, des Ministres, oui, des Ministres du Culte, paroissent | ||||||
28 | engouçs de votre Système; et de ces derniers, il s'en est vu d'assez | ||||||
29 | imprudens, quoi! dis-je, d'assez immoraux pour abuser de votre | ||||||
30 | prçtendue perfectibilitç dans la Chaire de vçritç. Ah! si la probitç, | ||||||
31 | si la bonne foi, si la sincçritç pouvoient s'allier chez eux avec leurs | ||||||
32 | principes; ne devroient-ils pas se demettre d'un Etat dont ils ont | ||||||
33 | tout-à-fait abjurç l'esprit et les devoirs, plutot que de dçbiter aussi | ||||||
34 | ouvertement une Morale diamçtralement opposçe à celle dont ils ont | ||||||
35 | pris l'engagement solemnel de professer et maintenir la puretç? *) | ||||||
*) Voici un Trait à peu-prês çquivalent d'un nommç Meslier, Curç de la Province de Champagne, Athçe in petto, mais de moeurs irrçprochables. [Seitenumbruch] A sa Mort, arrivçe en 1733, on trouva sur l'enveloppe de son Testament ces mots adressçs à ses paroissiens; j'ai vu et reconnu les erreurs, les folies et les mechancetçs des hommes; je les dçteste; je n'ai osç le dire pendant ma vie: puisse ce Memoire çcrit de ma main rendre tçmoignage à la vçritç! On ouvrit le volumineux manuscrit, qui renfermoit une Critique de tous les dogmes qu'il avoit prçchçs, et dans lequel il entoit d'ançantir toute religion, mème celle de la Nature.- O Athçes! à moins de soutenir encore la cause de la Duplicitç, de quel mçpris, de quelle ignominie ne couvrirez-vous pas les manes de celui qui (et il n'y a pas lieu de s'y tromper), par le mobile d'un sordide intçrèt, professa publiquement toute sa vie d'autres sentimens que ceux qu'il avoit dans le coeur! | |||||||
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